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Festival de jazz de Montréal

L'hommage Mixtape: la musique, l'esprit et l'âme de Jean-Marc Vallée

L'hommage Mixtape: la musique, l'esprit et l'âme de Jean-Marc Vallée
Beyries, Martha Wainwright et Elisapie / Victor Diaz Lamich/Courtoisie FIJM

Dès les premiers instants de Mixtape, spectacle hommage à Jean-Marc Vallée présenté à la salle Wilfrid-Pelletier en ouverture du Festival international de jazz de Montréal, jeudi, de vieilles images de famille et du jeune cinéaste qu’il était sont apparues sur les écrans.

Le grand disparu n’a ensuite jamais quitté la Place des Arts durant les 90 minutes suivantes…

Dans les faits, il nous a accompagnés pas à pas tout le spectacle grâce à des extraits d’une entrevue réalisée en 2018 par Ariane Cipriani, de Radio-Canada, durant lesquels il expliquait son lien viscéral avec la musique. Le premier entendu dans les enceintes nous rappelait à quel point «la musique, c’est un échange.» Échange il y aura eu, toute la soirée, entre les artistes et le public par l’entremise de «l’héritage» sonore de Vallée.

Les créateurs de cet événement pas comme les autres – le comédien Marc-André Grondin, le batteur Jean-Phi Goncalves, l’autrice-compositrice et interprète Amélie Beyries et Alex Vallée, le fils de Jean-Marc – l’ont mentionné lors d’entrevues cette semaine : le but n’était pas de faire un copier-coller des grandes scènes musicales des films de Vallée, mais d’aller ailleurs. Pari réussi au terme de l’un des exercices les plus casse-gueule en musique : le spectacle collectif.

Jean-Phi Goncalves/Victor Diaz Lamich FIJM

Source: Jean-Phi Goncalves/Victor Diaz Lamich FIJM

Vallée était visuellement présent par l’entremise de photos personnelles ou de tournages, mais pas de façon abusive. Dans la foulée, des extraits de ses films ont été entrevus lors de certaines chansons, mais plus pour nous situer que pour reproduire un moment cinématographique. Bonne stratégie. Nous étions là pour apprécier un spectacle au présent.

«Ravi d'être ici»

Après avoir charmé avec une chanson d’Elvis (Don’t) offerte en deux tempos distincts, Beyries a enchaîné avec une Harvest Moon délectable à souhait, comme si elle avait été écrite pour elle, avant de saluer la foule.

«Jean-Marc aurait été ravi d’être ici», a-t-elle dit. Et à la suite des applaudissements de la foule qui ont salué son propos, la chanteuse a incité cette dernière à redoubler d’ardeur. «Plus fort! Qu’il vous entende!»

Nous avons compris d’entrée de jeu qu’en dépit de la tristesse encore omniprésente depuis le départ de Vallée le 25 décembre 2021, nous n’allions pas assister à une veillée funèbre.

Ensuite, Martha Wainwright a mordu à pleine dents dans What a Difference a Day Makes quelques secondes après que la voix de Vallée nous ait rappelé que ses parents avaient acheté le disque de Dinah Washington quand il était jeune.

«Ça fait partie de ma vie cette affaire-là», a-t-on encore entendu Vallée dire, tout juste avant que Pierre-Luc Brillant ait le plaisir d’offrir la chanson-culte de la scène la plus culte de C.R.A.Z.Y. Space Oddity, de David Bowie. Et l’offrande était fort réussie.

Pilou, Beyries, Pierre-Luc Brillant, Martha Wainwright et Elisapie/Victor Diaz Lamich FIJM

Source: Pilou, Beyries, Pierre-Luc Brillant, Martha Wainwright et Elisapie/Victor Diaz Lamich FIJM

C’était aussi le moment où les souvenirs de plusieurs d’entre nous ont rétropédalé dans le temps. Certains, au moment où ils ont vu C.R.A.Z.Y au cinéma, d’autres, quand ils ont vu Bowie chanter cette chanson en personne à une période antérieure. Au cinoche, Vallée nous amenait dans son univers avec des scènes fortes et des musiques de légendes. Hier, nous retournions dans son monde – ou notre passé – selon ce que proposaient les artistes. Cheminement quelque peu différent, même plaisir.

S’il y a eu un moment poignant, ce fut bien celui où Alex Vallée est venu chanter I’m Losing You (John Lennon) pendant que des images et de vieux clips de lui, enfant, et de son père défilaient sur les écrans. Ouf.

Le moment Stréliski

On le disait plus haut, nombre d’artistes qui ont participé au concert avaient des liens intimes avec Vallée. En prenant place, la pianiste Alexandra Stréliski a raconté une anecdote survenue quand elle a été manger chez Vallée. Si elle était impressionnée par le réalisateur, elle l’était tout autant de sa manière de préparer la bouffe.

D’où sa confidence faite à Vallée ce soir-là: «Je pense que j’aime plus la bouffe que la musique.»

Et lui de dire: «Je pense que j’aime plus la musique que le cinéma».

Et la pianiste a joué Plus tôt, avec tout le doigté et la délicatesse qu’on lui connaît. On avait l’impression que le projecteur qui était braqué sur elle l’était par Vallée lui-même. Accompagnée des Petits chanteurs du Mont-Royal, Stréliski a ensuite proposé Le départ. Sublime.

Patrick Watson/Victor Diaz Lamich FIJM

Source: Patrick Watson/Victor Diaz Lamich FIJM

Puis est survenu le truc impensable: Creep, de Radiohead, uniquement avec les ivoires d’Alexandra et les voix des Petits chanteurs. C’était aussi déstabilisant que magnifique. L’ovation de la foule l’a confirmé. Parlant de beauté, l’enchaînement avec ce même ensemble vocal et Patrick Watson pour The Great Escape, était mirifique. Watson qui a révélé que lors de leur dernière conversation, Vallée et lui avaient décidé de travailler ensemble sur une œuvre. Qu’est-ce que ça aurait pu donner…

Folle d’Elisapie

Il y a eu C.R.A.Z.Y., le film, mais bien, bien avant, Crazy, la chanson popularisée par Patsy Cline et née de la plume de Willie Nelson. C’est Elisapie qui s’est acquitté de la tâche d’interpréter cette chanson-phare de son époque avec style et panache, avant d’enchaîner avec sa propre chanson, Navvaatra, qui faisait partie du film Café de Flore.

Pilou, qui avait frappé fort avec River (Leon Bridges) - de la trame sonore de Little Big Lies - plus tôt dans le spectacle, est revenu nous offrir une Tout écartillée que Robert Charlebois n’aurait pas reniée.

Nous sommes des millions de personnes à avoir entendu sur disque Wish You Were Here, de Pink Floyd. Jamais je n’aurais cru que Elisapie – qui l’a amorcée dans sa langue -, Beyries et Martha Wainwright ne puissent la chanter avec tant de passion et de ferveur. À couper le souffle.

Jean-Marc Vallée l’avait dit: il voulait être une rock star. Il l’était à sa manière et Sympathy for the Devil (Rolling Stones) a conclu le programme, non sans que Beyries - qui a interprété Vallée, dédiée à son ami - ne rappelle que «Jean-Marc aurait été ravi.»

Victor Diaz Lamich/FIJM

Source: Victor Diaz Lamich/FIJM

Le nouveau Jordan

Dans une entrevue au confrère Sylvain Cormier, du Devoir, Jordan Officer disait à quel point avoir cesser de boire – même si ce n’était pas une dépendance – lui a permis de mieux recentrer ses priorités personnelles et musicales et qu’il ne s’était jamais autant mis à l’avant-plan que pour la création de son nouvel album bien nommé, Like Never before.

Un nouveau Jordan, donc?

Non et oui.

Non, dans la mesure oû l’as guitariste est encore l’un des rois du picking comme on l’a constaté au Studio TD, bondé dès 18 h. Officer est toujours d’une redoutable dextérité sur le manche comme on l’a constaté durant Back From the ‘Sac, Honeysuckle In Bloom ou Cherokee.

Jordan Officer/Benoit Rousseau FIJM

Source: Jordan Officer/Benoit Rousseau FIJM

Mais oui – et retentissant, en plus – dans la mesure ou jamais je ne l’ai vu jouer avec autant de plaisir, sinon d’abandon. Nous sommes à des années-lumière du Jordan calme, posé et discret de ses premières années.

Ses interprétations de I Just Need To Feel Your Love et du classique He’ll Have to Go, de Jim Reeves, nous l'ont présenté sous un jour nouveau. Il a toujours le talent, il a les chansons et il a maintenant du soul à revendre pour nous les présenter.

La totale.

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